L’argent: Un système abstrait ou une réalité concrète ?

tresor_1Lors d’une séance d’initiation au jeu 55 ICÔNES un membre de la direction d’une importante firme comptable m’a dit qu’il n’y avait rien de plus concret que l’argent. Vraiment ?

Bourse2Sur la planète seuls les êtres humains utilisent des devises pour attribuer une valeur aux objets, mais aussi aux produits et services que nous rendons les uns aux autres. Les devises, l’argent, les valeurs boursières ne sont que des représentations symboliques qui permettent d’évaluer le pouvoir d’une personne dans son milieu, tout autant que les besoins en matières premières de tous les pays et la demande de ces ressources pour la transformation et la production de biens de toutes sortes. Ce que nous désignons par le mot « argent » ou « monnaie »* n’est ni plus ni moins qu’un système de transfert pour se représenter symboliquement la fluctuation de nos valeurs ; autrement dit, un point de repère abstrait qui permet de situer sur une échelle de valeurs un élément ou un autre y compris presque toutes les activités humaines sur un marché d’acheteurs et de vendeurs. Étrangement, cette représentation symbolique n’est pas utilisée d’une façon rationnelle et logique, ce qui laisse place à un très grand nombre d’interprétation parfois ambiguës. Pour le consommateur en général, l’argent est aussi bénéfique que maléfique et porte une étiquette à la fois blanche et noire ou, si vous voulez, propre et légal ou sale et illégal. Par ailleurs, notre économie, la fluctuation des marchés, l’importance accordée aux devises ne sont pas seulement influencées par la qualité de nos systèmes de gestion comptable ou la performance de nos outils informatiques, mais aussi par la confiance que les utilisateurs accordent à cette façon toute abstraite de transposer différents types de développement en valeurs calculables, quantifiables et même qualifiables en tout temps.

Pour mieux comprendre cette symbolisation de nos valeurs à l’aide d’un concept à caractère abstrait, prenons l’exemple de l’eau, qui reste la matière fondamentale la plus concrète qui soit nécessaire à l’évolution du vivant sur cette planète. L’eau fait partie de tout ce qui se développe et devient par conséquent la référence première tant pour nos ressources alimentaires que pour la stabilité des différents cycles de la terre. De façon concrète, l’eau sous toutes ses formes (solide, liquide et gazeuse) participe à trois niveaux particuliers de la production de la faune et de la flore. Elle est à la fois la « monnaie » d’échange du monde microscopique, mésoscopique et macroscopique, tout en étant un fin indicateur de l’état de santé de la planète en cette période de grandes fluctuations climatiques. Si la valeur de l’eau est inestimable, son prix et sa valeur boursière devraient être le plus élevé possible… Eh non, ce n’est pas le cas. Sa valeur est au plus bas et, d’un point de vue commercial, il s’agit d’un élément qu’on peut gaspiller. À l’échelle planétaire, cette indispensable ressource est considérée comme une poubelle pour nos déchets et résidus. Nombreux sont ceux qui pensent que l’eau n’a qu’une valeur utilitaire dont on peut allègrement dévaluer l’influence. Ils préfèrent mettre de l’avant la sophistication de nos systèmes de transfert à caractère financier et notre technologie « intelligente », ces derniers étant selon eux plus utiles pour assurer notre évolution.

C’est pourquoi il est primordial de prendre conscience de l’abstraction de ses systèmes de transfert à saveur humaine et de la dérive de nos valeurs dites « essentielles ». Notre argent, notre monnaie, nos devises sont d’une fragilité conceptuelle atteignant des sommets de complexité, de paradoxe et de non-sens, et souvent seuls les spécialistes en économie et en finances peuvent comprendre toute la finalité d’une telle invention de l’esprit. Les paradis fiscaux en sont les contre-exemples éthiques : on s’aperçoit rapidement que « s’approprier » une grande quantité de cette valeur monétaire et posséder légalement des sommes faramineuses dans l’unique but de valoriser un pouvoir personnel est, de nos jours, une valeur encore plus prisée que l’aide aux démunis ou à des communautés qui meurent littéralement de faim. Cette monnaie ou cet argent, prétendument conçus pour faciliter les transactions entre citoyens servent beaucoup plus à ceux et celles qui sont capables de jongler avec les failles du système. Une monnaie, donc, pour garantir un pouvoir d’achat au peuple et glorifier la loi du marché, qui devient vite pervertie dès que change l’échelle de grandeur et que le but n’est plus de faciliter les échanges, mais d’accumuler un trésor. C’est un peu comme si, une fois devenue océan, la goutte d’eau (essentielle au développement du vivant) n’était plus un incubateur naturel, mais qu’elle était devenue une sorte de masse aqueuse destructrice et toxique pour la vie qu’elle est pourtant magnifiquement capable d’engendrer à l’échelle microscopique. L’eau comme molécule, l’eau comme banquise, l’eau comme rivière ou l’eau comme fontaine et même comme rosée du matin est toujours la même source à l’origine des différents règnes même quand elle participe à la création d’une planète ou d’une comète de glace. De l’atome à l’univers sidéral, l’eau est la version hyper concrète d’un système de transfert qui facilite les développements chimiques et atomiques de plusieurs dimensions  sans aucune exception d’échelle. L’eau est le facilitateur universel pour créer, organiser et récupérer la matière organique dans son ensemble et joue également un rôle dans des dimensions qui dépassent littéralement notre entendement.

Étrangement, cette monnaie que nous tenons dans nos mains tous les jours, se transforme facilement en autre chose qu’un moyen d’échange, le rôle pour lequel elle a été conçue et qu’elle a toujours joué dans l’histoire. Nos systèmes monétaires issus d’une très grande abstraction de l’esprit sont donc capables de faire perdre l’équilibre mental aux plus cupides, ce qui révèle à quel point leur ambition océanique dépasse, dans leur milieu, le concept d’entraide et de partage des ressources.

C’est d’ailleurs l’un des problèmes de plus en plus criants de notre vision marchande du développement moderne : plus il y a d’argent en jeu, moins il y a de sens éthique pour lui conserver son rôle premier d’agent pour l’échange des valeurs et préserver ainsi la qualité de vie de tous. Dommage que l’argent appartienne au secteur privé et qu’il soit géré par les banques, car il devrait être résolument communautaire puisqu’il sert de référence dans tous les pays et toutes clientèles confondues.

Si nous vidons les ressources de nos océans sans nous soucier de leur pérennité et que nous remplissons nos banques et nos comptes hors frontières sans nous soucier des conséquences pour les plus démunis, nous sommes indéniablement des êtres mus par des valeurs abstraites qui ne tiendront pas longtemps la route, surtout quand il ne nous restera collectivement que de l’argent entre les mains.

Devant notre réaction face à la disparition de nos ressources essentielles et la préférence que nous accordons à notre course effrénée pour l’obtention d’une part d’un marché, il se peut que l’importance de l’argent comme vecteur de développement social ne fasse plus partie du prochain grand changement de paradigme.

michel_delage

Monnaie : WIKIPÉDIA : Une monnaie se caractérise par la confiance qu’ont ses utilisateurs dans la persistance de sa valeur et de sa capacité à servir de moyen d’échange. Elle a donc des dimensions sociales, politiques, psychologiques, juridiques et économiques. En période de troubles, de perte de confiance, une monnaie de nécessité peut apparaître.

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